L’ascension
5h15, il fait encore nuit noire et environ -8000 degrés quand nous quittons l’auberge. Dil s’est mis au point un attirail qui lui permet de transférer une partie du poids de ses 2 sacs sur sa tête, une lanière lui barre à présent le front et de solides cordes enserrent nos bagages en une masse compacte. Je le suis au pas, ma lampe frontale ayant rendu l’âme (il ne pouvait pas y avoir pire moment!) je m’oriente à la lumière de celle de Dil, calquant mes petits pas dans les siens, sous un ciel chargé d’étoiles. Car aujourd’hui, nous passons de 4,500 à 5,416m d’un trait, soit environ 4 heures de montée (puis 5 de descente!), pas question donc de brûler toute notre énergie dès la première heure.
Il est incroyable de monter en pleine nuit; les montagnes se détachent peu à peu du ciel à mesure que le jour se lève, avec la promesse d’un grand beau temps, quelle chance! La montée est raide, le sentier très étroit et totalement recouvert de neige, ça glisse et nous devons régulièrement bifurquer pour éviter des groupes ou des ânes (il est aussi possible de grimper en âne!) mais c’est le froid, ce froid mordant et pénétrant qui me hante, car à notre arrivée au camp de base (4,800 m) après déjà 1 grosse heure de marche, je commence à avoir sérieusement froid aux mains et aux doigts de pied…
Quelles vues! A mesure que nous montons s’ouvre un paysage incroyable de montagnes enneigées s’étendant à perte de vue. Les silhouettes de nos prédécesseurs se suivent sur le petit sentier au loin, dans un profond silence; tels des pèlerins, chacun se concentre sur sa montée, à son rythme, l’esprit vagabondant dans cette immensité blanche, guidé par la promesse du sommet.
Paysage incroyable, souffle parfait, mais moi, je pensais à mes doigts et mes orteils! Malgré mes 2 paires de gants et la paire de chaussettes de contention que je me suis rajoutée sur les mains, et qui rend d’ailleurs l’utilisation des bâtons et de l’appareil photo plutôt difficile, je n’arrête pas de penser aux gelures, ces brûlures par le froid dont j’avais lu les risques la veille dans un guide (mauvaise idée…). M’efforçant de bouger constamment mes extrémités totalement engourdies, je pense aux risques d’amputation et me demande ce qui serait le moins pire, perdre ses doigts ou ses orteils? Disons-le, c’était ridicule! il aurait fallu une exposition bien plus longue dans un froid bien plus intense pour perdre mes extrémités comme ce pauvre Maurice Herzog mais ces pensées morbides m’ont tellement occupé l’esprit que je marchais sans le savoir à très bon rythme, et arrivais à notre première étape en grande forme!
Dil est lui aussi en grande forme!
Quand enfin le soleil se lève pour de bon, je tombe les chaussettes de contention (sur les mains), ces affreuses gelures enfin oubliées! Cela fait déjà plus de 2h30 heures que nous marchons, nous sommes à plus de 5,200m et je commence, comme beaucoup d’autres d’ailleurs, à sentir le souffle me manquer. Je fais une bonne pause avec Dil, sortant biscuits et eau vitaminée mais c’est toutes les 5 minutes qu’il me faut ensuite marquer une pause, jusqu’à enfin apercevoir les fameux drapeaux de prières tibétains et une stupa qui marquent… le sommet!!
Une petite tea house nous accueille au sommet, à 5,416m soit 690m au dessus du Mont-Blanc!
Nous y sommes! Contrairement au lac Tilicho, je suis en pleine forme à l’arrivée, fatiguée bien sûr mais tellement heureuse d’être là et de retrouver ma troupe, comblée comme moi par cette ascension exceptionnelle! Il fait froid mais le soleil et toute cette adrénaline nous réchauffent: sessions photos, rires, félicitations, chaleureuses accolades, les visages se détendent, les langues se délient, nous sommes tous tellement fiers d’y être arrivés, c’est la liesse totale!
La descente
Apres un snack et le thé le plus cher du trek (forcément), nous passons de l’autre côté du col, pour une descente non moins sportive: des 5,416m nous allons « atterrir » à 3,700m, à Muktinath.
Je reprends mon rythme de croisière avec Sarah, elle aussi en pleine forme, le sentier est caillouteux et verglacé, la pente bien raide, un vrai parcours du combattant, de toute beauté! Nous passons à présent dans la province du Mustang, laissant derrière nous les montagnes enneigées pour un paysage presque lunaire aux montagnes brunes et rocailleuses, absolument magnifiques.
En voilà un qui n’a pas eu de chance…
A notre arrivée à Muktinath et après 5 heures de descente, notre corps crie! Heureusement, nous nous retrouvons tous au lodge « Bob Marley » où nous profitons de chaque seconde de notre douche (hallalujiah!!) chaude (double-hallelujiah!) sur des airs… de raggae évidemment!
Le lendemain, nous repartons pour Jomson. Un trek fabuleux et tout en descente dans ces paysages grandioses, surplombant le village de Kagbeni. Nous sommes à la frontière avec le Tibet et jamais je n’ai vu des paysages si atypiques. Marchant à bons pas au cœur d’une vallée caillouteuse, Sarah et moi nous imaginons tels des gringos en plein désert américain, les immenses montagnes nous dominant de leurs majestueux sommets.
Andrea & Sarah en pleine bataille galactique
Jomson sera pour Sarah et moi notre derniere destination commune, elle s’envole le lendemain pour Pokhara. Andrea, Deana, Lucas, Jon et Eunate ont quant à eux décide de prendre un bus jusqu’à Gorepani, écourter le circuit et ainsi faire le camp de base des Annapurna. C’est avec émotion que nous nous séparons.
C’est donc seule avec Dil que je continue mon périple, à la rencontre d’autres villages atypiques, de nouveaux trekkers et de paysages toujours extraordinaires…