Amilcar est un argentin que je rencontrai à l’aéroport de Salta, une autre de ces rencontres brèves, insolites mais inoubliables, dans une situation qu’il convient de recadrer brièvement.
Il est 3h30 du matin quand mon taxi me dépose à l’aéroport de Salta, pour mon vol très matinal à destination de Buenos Aires. Les portes s’ouvrent alors sur un terminal entièrement vide, pas âme qui vive ne se manifeste dans mon champ de vision, tant est si bien que je me demande si je ne me suis pas trompée d’aéroport! Je ressors en catastrophe dans l’espoir de retrouver mon taxi, qui s’est déjà volatilisé dans l’encre de la nuit. Je rentre à nouveau dans le terminal, éclairé comme de jour, les guichets désespérément fermés, les escalators bloqués, dans un silence à vous glacer le sang. Je lance un puissant « Holaaaaaaaaaaa!!« , auquel seul mon écho me répond. On a peu l’habitude de voir des aéroports déserts.
Je prends à droite et avance lentement le long des guichets, me dirigeant vers les sièges du bout de l’allée. A mesure que j’avance, je perçois une silouhette masculine assise sur un des sièges, les mains croisés devant lui, regardant en l’air. Je m’avance davantage, et distingue un visage allongé, des cheveux gris, de profondes rides, des petites lunettes posées sur un long nez. Je regarde à ses pieds, des chaussures de marche de qualité; posé à côté de lui, un sac de randonnée: c’est sans aucun doute un gars bien! Je réitère un « Hola » un peu moins sonore cette fois, et obtiens une réponse cordiale. Je le rejoins donc, le salue, puis m’assois à ses côtés. Pendant 3 heures, nous papoterons, dans l’aéroport toujours désert, nos conversations animées se perdant dans le vide des couloirs.
Amilcar, de son petit nom, est argentin. Le visage franc est amical, il est egalement… francophone! Après quelques phrases en anglais, il me surprend à enchaîner dans un français parfait. Retraité de 66 ans, Almicar a vécu en France de 1971 à 1984, alors qu’il était ingénieur chez Siemens, entre autres. Amoureux de la France et de la langue française, il me parle de ses années dans notre beau pays, de la gastronomie, et même de la politique. A la retraite depuis 55 ans (à l’époque me dit-il, les retraites anticipées étaient encore à la mode et bien payées), ce portègne (originaire de Buenos Aires) profite maintenant de son temps libre qu’il partage entre les randonnées et les voyages. Il a crapahuté dans le monde entier, surtout en Europe et en Espagne, où 2 de ses enfants résident, mais étrangement peu en Amérique du Sud.
Étaient prévues 6 jours de randonnée dans la province de Jujuy, aux alentours de Salta, une des plus belles régions de l’Argentine. Malheureusement, un accident touchant sa femme est survenu la veille, le forçant à abandonner tous ses plans et à retourner en catastrophe à l’aéroport, prendre le premier avion pour Buenos Aires. Arrivé en fin de soirée, il apprend que le premier vol part tôt le matin; c’est donc depuis la veille au soir qu’il occupe son petit siège, à lire tous les journaux de la journée et à regarder se vider progressivement l’aéroport; au moment où je le rencontrais, il attendait déjà depuis 5 heures, dont 3 heures seul!
Ce fut donc un plaisir tant pour lui que pour moi de nous retrouver ensemble et de converser pendant les 3h30 qui nous séparaient de l’enregistrement.
Nous prenions le même vol et nous separions à Buenos Aires, je lui donnais mon adresse email, lui souhaitais bonne chance; il promis de m’envoyer ses informations et… son blog de voyage, que voici: www.ajmaffeo.com.ar! Nous n’arrivons décidément jamais au bout de nos surprises…
1 comments
Julien says:
Août 18, 2013
C’est vraiment une belle histoire. C’est certainement pour ce genre de rencontres qu’on part faire un Tour du Monde.